Lettre ouverte: Cheikh Sadibou Doucouré interpelle le président de la République





Monsieur le Président de la République,

L’occupation outrancière de l’espace médiatique par certains de vos collaborateurs, au motif de rendre visibles vos réalisations ou de défendre la position du gouvernement sur des questions d’intérêt national, produit souvent des effets qui dénaturent l’image du réel. 

Le citoyen, pour ne pas dire « l’électeur médian », circonspect, perçoit leurs sorties médiatiques comme la contrepartie de la rançon d’appartenance à une oligarchie. C’est suffisant pour justifier l’objet de ma lettre : la polémique autour du rapport d’audit de la cour des comptes sur la gestion du fonds force covid 19.

 Monsieur le Président de la République, peut-on vouer aux gémonies la cour des comptes pour défendre l’ignominie d’un groupe d’individus convaincus de malversations, de surfacturations et de détournements sur la gestion du fonds force Covid 19 ?

 Les vérificateurs de la cour des comptes doivent-ils souffrir, sans protestations, l’attitude de deux (2) Ministres de la République qui semblent relativiser les griefs relevés contre les personnes incriminées, alors qu’ils auraient dû, par élégance républicaine, conforter et valoriser la légitimité de la cour, en tant qu’institution dont le rôle est de garantir la bonne gouvernance et la transparence dans la gestion des affaires publiques?

Ces Ministres, s’ils avaient une once de sens de l’Etat n’auraient jamais attaqué publiquement le rapport de la cour des comptes. Ils n’auraient pas dû souscrire à cet exercice naïf et infamant parce que leur argumentaire est perçu par l’opinion publique comme fallacieux et d’une tonalité contre productive.

Au demeurant, Monsieur le Président de la République, malgré sa 6éme place dans l’ordonnancement constitutionnel des institutions (Cf : Article 6 de la constitution), la cour des comptes, - au-delà de ses compétences sur le contrôle juridictionnel des comptables publics ; le contrôle de la régularité des recettes, des dépenses et du bon emploi des crédits, fonds et valeurs gérés par les services de l’Etat ; le contrôle de l’exécution des lois de finances -, est un organe de contrôle placé au confluent des institutions de la République . Elle peut être saisie par le Président de la république, le Président de l’Assemblée nationale, le Premier ministre ou le Ministre chargé des finances. Elle peut être sollicitée par l’Assemblée nationale afin d’effectuer des enquêtes complémentaires nécessaires à l’examen ou au vote du projet de loi de règlement.

Cela laisse supposer, par ailleurs, que les personnes de votre entourage (Ministres, conseillers , experts et autres responsables politiques) ne savent pas se démarquer, en tant que serviteurs de l’Etat, pour aller plus loin dans l’affinement rigoureux et objectif des prises de décision concernant l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi/évaluation des politiques publiques permettant de mieux faire face, le cas échéant, à l’effondrement des valeurs sociales, la montée de la violence et de l’insécurité, l’accroissement du taux de chômage des jeunes, l’inflation, la hausse de la dette publique, l’état des services sanitaires et les iniquités observables dans le développement durable des territoires, etc.

C’est avec rancœur que les populations sont malheureusement contraintes d’observer les tristement célèbres fossoyeurs de la solidarité nationale. L’Etat doit prendre à leur encontre des sanctions pour qu’ils n’aient plus accès aux affaires publiques. Le rapport de la cour des comptes est tombé comme une météorite grosse de malversations, de prévarications de détournements de deniers publics et de fautes de gestion. Ainsi remet-il en question votre attachement à la transparence, à la promotion de la bonne gouvernance et à la reddition des comptes.

En définitive, si le contenu du rapport de la Cour des comptes est confirmé, le pouvoir ou plutôt (l’illusion du pouvoir) serait détenu non pas par une élite compétente, intelligente qui n’ont pas besoin de politique pour vivre, mais par la racaille de la société. Les causes de cette décadence peuvent être cherchées dans les dysfonctionnements d’une administration en déliquescence, nonobstant les nombreuses reformes engagées pour la maintenir forte, performante et accessible. 

Ces causes sont exacerbées par ce que Jean d’Ormesson appelle « l’ineptocratie (ou l’inaptocratie), un système dans lequel les gens les moins capables de gouverner sont nommés ou élus ». Ils sont pour la plupart des politiciens professionnels dont le seul et unique pari est de chercher à assouvir leur soif de pouvoir et leur goût à l’enrichissement rapide.

Nous souhaitons avec force que 2023 marque la fin de l’invisibilisation des rapports d’audit produits par les organes de contrôle de l’Etat. Que la primauté du droit sur les droits de l’Etat, la transparence dans la gestion des affaires publiques et la bonne gouvernance demeurent essentielles au développement durable de notre pays et à la consolidation de l’unité nationale. Aussi devons-nous, respecter les institutions de la République et préserver notre volonté commune de vivre ensemble dans un Sénégal uni prospère et solidaire, en « gardant toujours l’humanité comme horizon » selon le Professeur Souleymane Bachir Diagne et en faisant sienne la parole du Président Léopold S. Senghor : « L’orgueil d’être différent ne doit pas empêcher le bonheur d’être ensemble ».

Bonne fête de nouvel An Monsieur le Président de la République, à tous nos concitoyens épris de justice sociale et tous les commis de l’Etat qui combattent la corruption, le détournement des deniers publics et délits connexes, dans le respect de la loi et des institutions de la République !!!

Cheikh Sadibou Doucouré Email : doucourec111@yahoo.fr Pikine, le 29 décembre 2022

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