Ces nouveaux métiers au Sénégal Par Pr Mary Teuw Niane

 

Au vingt-unième siècle lorsqu’on parle de métiers nouveaux, on pense aux nouveaux métiers nés des transformations apportées par le numérique, la biologie moléculaire, etc. 

Chez nous, au Sénégal, les nouveaux métiers les plus en vue ne relèvent pas de l’utilité économique.

Ils sont malheureusement attachés à la corruption et aux pertes des valeurs.

Certains de ces métiers sont à durée indéterminée et payent bien ceux qui les exercent.

Cependant la majeure partie de ces nouveaux métiers sont à durée déterminée et occasionnels même s’ils rémunèrent bien le travailleur. Nous citerons trois métiers très en vue en cette année préélectorale: le politicien, le laudateur, le teertukat.

Le politicien est ce Sénégalais, sans emploi, qui a décidé de faire de la politique son métier.

Il vend ses services.

Le principal acheteur est le parti au pouvoir cependant il n’est pas le seul employeur. Des partis d’opposition font aussi des offres intéressantes. La surenchère du pouvoir est difficile à contrer.

Des postes allant du ministre jusqu’au chargé de mission en passant par le directeur général ou le président de conseil d’administration sont mis sur la table pour fixer les politiciens avides d’argent, de reconnaissance et de confort matériel.

Le politicien considère que toutes les fonctions lui sont accessibles pourvu qu’elles soient lucratives ou qu’elles permettent d’accéder facilement à des ressources publiques.

Les fonctions électives aussi sont la cible des politiciens. Députés irresponsables et maires incompétents font légion. Ils sont aussi bien dans le pouvoir que dans l’opposition.

En fait cette nouvelle catégorie professionnelle très encombrante a relégué au dernier rang la connaissance et la compétence. 

L’image d’un Sénégal aux ressources humaines nationales de très haute qualité a fait long feu sous les fournées de nominations de personnes dont la seule compétence est leur allégeance au pouvoir en place. 

Le deuxième métier est le laudateur. 

Femme et surtout homme, sans scrupules, ils gagnent leur émolument quotidien en écrivant ou en disant ce qui plait à leurs bienfaiteurs. Le laudateur n’a aucune fidélité à sa parole, sa parole d’hier. Il ne connaît pas l’éthique de la parole donnée.

En fait, il n’est fidèle qu’à l’argent et aux avantages qu’il reçoit. Beaucoup de laudateurs célèbres ont pu passer sans encombre les régimes de Diouf, Wade et Sall.

Il y a quelques décennies, ils étaient surtout des illettrés, aujourd’hui, ce sont surtout des cadres et des intellectuels qui s’adonnent au métier de laudateur.

Plus qu’une girouette, des universitaires sont devenus des laudateurs. Alliant la maîtrise du verbe et des textes, ces tartuffes soutiennent aujourd’hui l’impérieuse nécessité du troisième mandat.

Où sont passées les valeurs si chères à nos ancêtres?

Où est passée la fierté du corps auquel on appartient et qu’on s’interdit d’avilir?

En réalité, l’argent a corrompu ces esprits et ces intelligences. Il les a malheureusement asservi et avili.

 Le laudateur est le serviteur du déshonneur, l’agent arrogant d’une mission honteuse.

Le teertukat est au bas de l’échelle de ces métiers nouveaux.

Il exerce ses activités occasionnellement lors de tournées et de meetings d’hommes politiques.

La tournée du Président de la République est sans aucun doute la plus lucrative. Les hommes politiques du pouvoir vont chercher les teertukat très loin de leur base pour porter tee-shirts, pancartes, banderoles et crier fort le nom de leurs bienfaiteurs.

Leur salaire journalier est passé de 2000 Fcfa, à 5000 Fcfa et maintenant il tire de plus en plus vers 10 000 Fcfa avec une prise en charge du transport et du déjeuner.

Beaucoup de jeunes deviennent occasionnellement des teertukat pour gagner un peu d’argent.

Il n’est pas alors surprenant de voir ces masses incalculables de personnes qui sont plus nombreuses que les habitants de la ville qui les accueille.

Le teertukat a appris depuis très longtemps à différencier le destinataire de sa carte d’électeur avec l’orientation politique de son employeur occasionnel.

Beaucoup d’hommes et de femmes politiques continuent d’employer les teertukat en faisant fi de cette heureuse réalité qui sauve notre démocratie étranglée par le pouvoir de l’argent.

Pauvre Sénégal qui ploie sous le poids d‘hommes politiques destructeurs de nos valeurs cardinales et promoteurs de gagne-pains qui dévalorisent. 

Vivement que vienne le temps de la transformation vertueuse qui valorise le travail utile pour notre société et l’économie nationale. 

Dakar, mardi 1er mars 2023

 Mary Teuw Niane

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