"Ce que ces jeunes ont fait à un nom. Ce n’est pas un détournement, c’est une parodie" Par Alioune Ndiaye

 

Au Sénégal, avoir une attente est devenu un suicide. Espérer est une négligence, croire est une naïveté, souhaiter est une erreur. Tout optimisme est béat. La désespérance a droit de citer. Et bien d’autres droits. La gouvernance refuse de s’élever. Elle joue à ras de sol. Sur le terrain boueux de l’intimidation judiciaire. Elle claudique dans un cloaque. Celui de la répression aveugle. Un jeune fait une parodie. On lui oppose une parodie de justice. Un autre publie. Le ministère public réplique. Le spectacle à quelque chose de grave et d’anachronique. Il est d’un surréalisme tout petit. Dans ce Sénégal du 21 siècle, des esprits chagrins travaillent donc à garroter. L’opinion et l’expression en joue, ils avancent le doigt sur la détente. Leur volonté est mauvaise et manifeste. Ils veulent reculer, faire du Collin sans le grand Jean de Ndiaffate. Un état jacobin qui règne par la peur, par la terreur. Pour quel but ?

Le caractère répétitif des atteintes graves à la liberté d’opinion révèle une stratégie de la surenchère pour le moins suspecte. Qu’est-ce que le Président Macky Sall gagne dans ce pourrissement démocratique ? Que peut lui apporter l’emprisonnement du jeune Outhmane Diagne de la mafia kacc Kacci ? Quel est le délit commis par le nommé Papito Karra ? J’ai entendu dire que le parquet a visé les qualifications de diffusion de fausses nouvelles. Sur les choses, on met des mots, des qualificatifs. On sélectionne les éléments de langage qui arrangent. Dans le jargon des masses médias, ce que ces jeunes ont fait à un nom. Ce n’est pas un détournement, c’est une parodie. C’est un style, une figure de style. Mais ce n’est pas un délit. En aucun cas.

Certains éminents confrères ont pris position. C’est leurs droits, nous le concédons. Ils fondent leur jugement sur le caractère politicien de la manœuvre. Les jeunes sont de Pastef. Par conséquent, ils n’ont pas le droit de pirater les unes des journaux à des fins de propagande. Mais si détourner la une d’un journal à des fins de propagande est un délit, combien d’autorités de la République devraient croupir en prison ? Est-ce que le service public de l’information n’utilise pas régulièrement sa une à des fins de propagande ? Est-ce qu’il serait désormais acquis que dans ce pays, il y a des citoyens de premiers et de seconde zone ? Les premiers ont des passe-droits. Les seconds n’ont aucun droit. On ne peut pas récompenser le détournement permanant et punir le détournement récent. Une contrebande est une contrebande. Dans les médias nationaux, la parodie est présente. Depuis longtemps. C’est une manière de traiter de l’information par la comédie. Jalgati khibaar de Sylla Mougneul et tonton Ada, c’est de la parodie. Kouthia fait de la parodie. Sa Ndiogou fait de la parodie. De même pour les gens de notre génération, les guignols de l’info de Canal ont parodié du tout. Ils ne le font pas aux dépens des unes mais de l’information. On me dira que : oui Kouthia ne se gausse pas à des fins de propagande. Ce qui est une position de grande naïveté. Kouthia est l’un des plus grands éditorialistes de ce pays. Et les adeptes du soft power savant que Samba Sine peut être cent fois plus efficace qu’un Madiambal Diagne par exemple. Utiliser la parodie à des fins de persuasion n’en fait pas un délit. Papito Kara et Outhman Diagne sont en prison pour un simple exercice de style. Ce n’est plus de la justice, c’est une chasse aux sorcières.

En matière de délit, l’instruction est facultative. On le sait. Mais à chaque dossier politique, c’est le même procédé. Cheikh Ousmane Diagne, Baar Dolly, Papito Kara et Ousmane Diagne, même problème, même procédure. Le procureur inculpe. Il donne le dossier à un juge pour instruction et on envoie le prévenu à Reubeuss pour quelques mois de détention préventive. Cette manière désinvolte de traiter de la liberté des gens est nauséabonde. Manifestement, le maitre des poursuites évite la procédure de flagrant délit. Papito Kara a publié sur internet. Des publications encore en ligne. Pourquoi chercher le corps du délit ? Il est là. Pas besoin d’une instruction. A moins de vouloir ruser. Et C’est le cas. Un cas symptomatique. Gouverner par l’abus est un aveu d’impuissance.

 L’emprisonnement de Outhman Diagne et de Papito Kara est une prise d’otage. Il faut dire les maux. Aucun journal n’a porté plainte. Et la procédure s’apparente à un règlement de compte. Comme on ne veut pas prendre le risque d’un camouflet. On cherche donc à échapper au juge du siège. Inamovible, il pourrait être tenté de s’affranchir. Et l’histoire a montré que des juges du siège au Sénégal sont peu enclins à la servitude volontaire. Alors, on prend une voie de contournement. Le parquet devient juge et partie. Au malpropre comme au défiguré. Il inculpe, décerne un mandat de dépôt et envoie le dossier en instruction. La ficelle est grosse. Elle est visible comme un nez sur un visage.

Cette détention préventive est une peine de prison. Une peine de contrefaçon. Quelque soit la décision rendue en instance, le mal sera fait. Vraisemblablement, c’est l’objectif. Pour le faire taire, on prend l’enfant de quelqu’un, on l’envoie en prison pour des mois. Et si c’était votre propre enfant ?

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